Parents, Ados, une nouvelle étape de la vie.                             

Au-delà des théories plus ou moins alarmantes sur l’adolescence, un bon nombre de parents vivent avec leurs ados un quotidien déroutant, pas toujours simple à l’expérimentation. Ce qui peut ouvrir grand la porte à des idées reçues. La plus partagée ? L’adolescence serait une crise effrayante à traverser en serrant les dents. Et si nous l’abordions comme une expérience alléchante ? Jessica Hollender, praticienne en psychopédagogie positive nous invite à changer de regard sur l’adolescence.

Sortir des idées reçues

La réalité de chacun est un joyeux mélange de faits établis et vérifiés (le ciel est bleu), et de croyances sociétales, culturelles et familiales. Ces mythes sont utiles : ils servent de piliers, de repères, de tuteurs nécessaires au développement de chaque individu. Ces référentiels permettent d’appréhender la vie en sécurité, mais ils peuvent, s’ils sont pris comme des vérités figées, devenir des conditionnements enfermant et source de bien des infortunes.

Qu’en est-il de l’adolescence ? Croyances ou réalité ?

Certains mythes, associés aux comportements des adolescents peuvent nous enfermer dans un conditionnement « négatif », dont il est possible de sortir pour envisager ces années de passage de manière plus sereine.

« Un ado claque les portes »

Oui et non, le tsunami émotionnel est une réalité chez tous les ados. Il s’explique par un décalage temporel de développement entre plusieurs zones du cerveau. La partie limbique qui, entre autres, s’occupent des émotions est mature bien plus tôt que la partie du cerveau qui permet de prendre du recul. Ce qui peut donner lieu à des « débordements » émotionnels, impressionnants, mais incontournables, visibles ou parfois silencieux, présents mais silencieux.

 « Un ado est mou »

Oui et non, ils aiment leur canapé ou les réveils tardifs car ce qui se passe en eux est énergivore. Ce fait incontestable peut être surprenant pour un adulte dont le cerveau a terminé son chantier de développement (ce gigantesque chantier se finit autour de 25 ans. On considère que notre cerveau atteint une forme de maturité à cet âge-là). Si le flegme des ados peut paraitre surprenant, penser au chantier dans lequel il nage peut ouvrir un champ de compréhension immense.

Un ado est donc plein d’énergie, qu’il utilise pour grandir !

« Un ado doit être autonome »

Oui et non, l’autonomie est en cours d’acquisition à plein de niveaux et notamment au niveau des fonctions exécutives d’organisation et de planification. Ce qui crée un décalage entre l’idéal et la réalité. Quand ils travaillent la veille pour le lendemain un contrôle, ils pensent vraiment que ça va « passer ». Ces expériences inconfortables et nécessaires leur permettent de réaligner idéal et réalité, d’apprendre. Ils auront besoin de leurs parents pour être écoutés, compris et accompagnés.

« L’adolescence est une crise »

Oui et non. L’existence toute entière est une succession de métamorphoses intimes. Ce passage, l’adolescence, en est sans aucun doute la plus surprenante. Il existe des faits biologiques liés à l’adolescence, transformation physique, émotionnelle, cérébrale. Cette période tumultueuse, remplie de compteurs à remettre à zéro et d’hormones en vrac peut être un cap difficile à traverser, pour toute la famille.

L’adolescence, une histoire de famille

Pour autant, peut-on qualifier cette période de crise ?

Lorsqu’un enfant grandit, qu’il se développe, peu à peu les contours de la famille changent. La dynamique, les limites, l’organisation « du clan » changent. Ce que nous appelons l’adolescence entraine une modification des besoins de chaque membre de la famille. Une forme de stabilité cesse pour laisser place à autre chose, ce qui peut paraitre brutal pour chacun de ses membres.

De nouvelles frontières doivent être bâties afin de permettre à l’ado de s’éloigner et de se rapprocher de sa famille pour construire son identité avant de prendre son envol.

Devenir adulte suppose de devenir autonome, or l’autonomisation de l’ado est complémentaire à celle de ses parents qui sont invités également à redéfinir leur identité pour envisager et accepter la séparation.

L’adolescence, une crise relationnelle ?

L’adolescence est donc une histoire de famille. Une transition qui entraine la modification du lien avec les parents comme figure unique d’attachement. L’enfant passe alors de la dépendance à ses parents à une interdépendance (prise en compte de ses besoins propres au sein d’un groupe) lui permettant de s’émanciper, de se créer de nouvelles relations, de nouveaux liens. L’aspect social est primordial et incontournable pour permettre ce passage à l’âge adulte.

Cette nouvelle distance avec ses parents permet d’ajouter un nouveau référentiel externe, ses amis, et de développer son propre référentiel, interne.

L’adolescent jongle alors entre ce nouveau champ de références dans lequel chacun a une place changeante certes mais importante. Car les ados ont besoin de sentir, de savoir, que les parents sont là, à leurs côtés, discrètement mais surement, pour les rattraper en cas de chute.

Alors, sur quel pied un parent d’ado doit-il danser ?

Sur celui de la relation à son ado. Une relation qui évolue pour laisser plus de place à la discussion, aux compromis, à la confiance, à la responsabilité, à l’espace, à l’intimité. Une relation qui nécessite de repenser le cadre pour en discuter les contours ensemble. Une relation où chaque parent aura évidemment une place fondamentale pour rassurer, sécuriser, mais un peu différente, plus à distance. Une distance rassurante.

Et, quand on parle de relation, on ne peut faire l’impasse sur toutes les personnes concernées et donc sur ce que vivent les parents eux aussi touchés par cette étape tourbillonnante, créatrice et apprenante. Les parents sont eux aussi traversés par ces changements et prendre en compte l’impact de ce passage sur soi, parent, est un incontournable pour vivre plus consciemment et harmonieusement cette transition.

L’adolescence est donc une invitation à prendre soin de la relation secouée par son lot d’incompréhensions, de conflits et de colère, mais aussi d’échanges, de vie et de moments intenses partagés. Et à prendre soin de soi, parent, pour être plus présent et disponible à l’autre, son enfant qui devient grand.

Quelques idées pour adoucir le quotidien avec son ado

Danser avec l’inconnu

Les parents ignorent ce que l’avenir réserve à leur ado. L’inconnu peut être déroutant.

La clé : garder confiance aux graines semées et prendre rendez-vous avec ses peurs.

Vivre d’aussi près l’adolescence de son enfant est une chance pour les parents et toute la famille. Une chance de porter un autre regard sur le monde, plus intense, qui invite à sortir de la torpeur du connu pour se reconnecter à ses rêves. Une belle occasion pour les parents de profiter de l’exploration de leur ado pour sauter dans l’inconnu avec lui, repenser ses propres fondations, réinventer sa vie, revisiter ses valeurs, revoir ses peurs et retrouver sa propre jeunesse.

L’incontournable communication

Quand nous mélangeons constat et avis, l’ado se crispe, se sent jugé, incompris, rejeté. Il résiste alors au dialogue comme au changement. Une idée : les faits, rien que les faits et transformer les jugements en observation.

« Tu ne ranges jamais ta chambre » vs « je vois du linge sale sur ton lit, plusieurs manteaux sur la chaise et des livres éparpillés par terre »

« Tu ne fais aucun effort en maths » vs « Sur dix contrôles, tu n’as eu la moyenne qu’une seule fois »

« Tu ne fais jamais ce que je te demande » vs « Les trois dernières fois que je t’ai demandé de ranger tes affaires tu as reporté au lendemain, sans le faire »

Co-construire le cadre

Le cadre est un ensemble de règles formelles et informelles qui régissent la vie quotidienne. Il permet de sécuriser et à chacun de créer un espace d’intimité fondamental au bien-être. Un cadre trop rigide à l’inverse peut enfermer et paraitre trop intrusif, surtout à l’adolescence. Co-construire le cadre devient alors essentiel pour répondre aux nouveaux besoins de toute la famille. Rien de tel qu’un « conseil de famille » pour construire tous ensemble le cadre et laisser la place aux besoins de tous parents et enfants. Une fois le cadre co-construit, les parents en restent les garants cohérents. L’heure du lever le week-end a été co-définie à 11h max (pour éviter un trop gros décalage avec le rythme de la semaine), ce sera 11h et pas 12h. A la charge des parents de réveiller leur ado, avec douceur, pour rester cohérent. Évidemment les exceptions sont acceptées, à condition qu’elles restent au stade d’exception !

Article tiré de « Psychologie » du 26 juillet 2021

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